Donne -moi tes mains pour l'inquiétude,
Donne-moi tes mains dont j'ai tant rêvé,
Dont j'ai tant rêvé dans ma solitude
Donne-moi tes mains que je sois sauvé
*
Lorsque je les prends à mon propre piège
De paume et de peur, de hâte et d'émoi,
Lorsque je les prends comme une eau de neige,
Qui fuit de partout dans mes mains à moi
*
Sauras-tu jamais ce qui me traverse,
Qui me bouleverse et qui m'envahit,
Sauras-tu jamais ce qui me transperce,
Ce que j'ai trahi quand j'ai tressailli
*
Ce que dit ainsi le profond langage,
Ce parlé muet des sens animaux,
Sans bouche et sans yeux, miroir sans images,
Ce frémir d'aimer qui n'a pas de mots
*
Sauras-tu jamais ce que mes doigts pensent
D'une proie entre eux, un instant, tenue,
Sauras-tu jamais ce que leur silence,
Un éclair, aura connu d'inconnu
*
Donne-moi tes mains que mon coeur s'y forme,
S'y taise le monde au moins un moment,
Donne-moi tes mains, que mon âme y dorme,
Que mon âme y dorme éternellement
* L. Aragon
" L‘artiste est celui à qui il revient, à partir de nombreuses choses, d’en faire une seule et, à partir de la moindre partie d’une seule chose, de faire un monde. Il y a dans l’œuvre de Rodin des mains, de petites mains autonomes qui, sans faire partie d’aucun corps, sont vivantes..."
http://www.philolog.fr/les-mains-de-rodin-rainer-maria-rilke/