" Tout au long de mon existence, j’ai été séduite par tout ce qui " glisse et fuit d’une fuite éternelle ". J’ai été fascinée par tout ce qui, telle l’écume, brille de reflets tentateurs et illusoires. C’est quelque chose, tout de même, que cette formidable énergie que nous déployons pour tenter de remédier au vide, à l’insensé, au manque, en nous livrant corps et âme au flux et au reflux du plaisir, dans une fuite perpétuelle hors de nous-mêmes ! C’est terrible , parce que c’est vain et voué à l’échec. Telle l’écume, le plaisir disparaît sitôt que son objet est saisi. Ainsi, l’insatisfaction creuse en nous, encore et toujours plus profond, son sillage d’amertume. Tout nous échappe…
J’ai donc cherché ce qui ne fuit pas. …Faire naître du vivant en répondant de ses propres forces vives à l’appel d’un autre manque.
Que ce soit l’œuvre d’art, la recherche scientifique, l’investissement humanitaire, tout ceci fait partie de cette immense chaîne qui, de génération en génération, engendre de la vie proprement humaine. Et –qui sait ? – la relation interpersonnelle d’amitié peut aussi être ce terrain de fécondité. "
" L’amitié est le fruit de l’action désintéressée. Aimer d’amitié, c’est vouloir et agir dans l’intérêt de l’autre et non pour soi. L’amitié est ce qui , dans l’amour, dépasse la voracité. Nous sommes charnels, ça nous colle à la peau. Il y a en nous un désir de tout consommer, de s’approprier toutes les choses de la matière comme de l’esprit, et tous les êtres. Dans nos actes et dans nos relations, il y a toujours une part d’intérêt et de possessivité.
Mais dans cette marche vers l’autre, dans l’amitié authentique, se dévoile le mystère de ce qui ne passe pas, le mystère de notre propre éternité. "
Soeur Emmanuelle