Le temps retrouvé...3
"On écrit au coeur du silence, où la parole ne va guère. On écrit où l'on vit, où l'on est, au plus près de soi et de l'autre. C'est qu'on n'en est plus séparé par la voix, par le regard, par le corps ( qui sépare toujours, tant que les corps ne se touchent pas). C'est aussi qu'on a le temps, du moins quand on le prend, comme l'autre aura celui de vous lire, de vous relire, et des années plus tard peut-être. Il y a une éternité dans l'écriture, dans toute l'écriture, dont la parole nous séparerait plutôt. Les lettres d'amour dureront plus longtemps, bien souvent, que l'amour. Elles lui survivront..."
"...Toute parole est contemporaine de son écoute, et meurt avec elle. Aucune écriture ne l'est de sa lecture, il y a comme une distance assumée et abolie. Toute parole est d'instant ; toute écriture est de durée. Cela fait comme un temps retrouvé, au creux du quotidien, un peu de temps à l'état pur, comme dirait Proust, et c'est ce qu'on appelle l'éternité : le temps qui passe, le présent qui change et continue, le devenir qui demeure...."
A. Comte-Sponville